dimanche 17 août 2014

Le botaniste et les charrues de Syrie et de Perse

Formé au métier de laboureur par son père, André Michaux a exercé ensuite ce métier  pendant une diaine d'années, d'abord en association avec son frère, puis seul. Devenu botaniste sur le tard, il a toujours gardé l'âme d'un paysan et le regard du laboureur attaché à sa charrue.

Charrues et autres instruments de culture en France au XVIIIe siècle 
(Planche de l'Encyclopédie Diderot)

Dans son Journal de voyage en Perse, il n'omet pas de décrire les cultures qu'il observe. Je cite  brièvement dans mon livre son observation des pasteurs arabes nomades qu'il rencontre dans le désert lors de son voyage d'Alep à Bagdad. Voici exactement en quels termes, il le fait :
" Lorsqu'ils trouvent un lieu fertile et de l'eau, ils y passent tout l'été, ensemencent les terres en orge, coton, pastèque, sésame. telle était la culture de tous ceux que j'ay rencontré dans les différentes herborisations que j'ay fait à des distances assez éloignées d'Alep ; le seul instrument de cette culture est un soc emmanché sur un morceau de bois, dans ce même morceau de bois est ajouté par une mortaise un autre [morceau de bois] d'une seule pièce qui répond à ce que nous appellons les mains ou manches de la charue, on y ajoute la perche ou haye de la charue, à laquelle sont attelés deux vaches ou deux (boeufs) taureaux, car on connaît pas les animaux châtrés en Arabie ; il seroit un déshonneur de monter sur un cheval hongre [= castré] ".

Journal de voyage en Perse d'André Michaux
(© R. Pluchet avec l'autorisation de la ßibliothèque de Versailles)

Ce type de charrue simple, ou araire, qui fend la terre sans la retourner est le seul connu à l'époque , en dehors des pays Européens et des États-Unis, mais dans ces derniers pays, et en France, en particulier, il est encore utilisé pour certains usages à côté des charrues à versoir qui retournent la terre. Son Journal de voyage étant incomplet, la partie concernant la Perse ayant disparu, et la plupart des lettres de Michaux au sujet de ce pays ayant disparu, je n'ai pu citer dans mon livre que quelques observation sur les cultures en Perse.  Mais depuis la parution de ce livre, j'ai découvert une description d'une charrue persane, qu'il a donné à son ami l'agronome Charles de Lasteyrie, avec un dessin, de la main de Michaux. Lasteyrie a reproduit cette courte notice et ce dessin dans le tome 2 d'une encyclopédie qu'il a fait paraître en 1820, sous le titre : Collection de machines, d'instrumens, ustensiles, constructions, appareils, etc.

« Nous donnerons ici la description de la charrue persane (fig.25) qui nous a été communiquée par M. Michaux père, qui l’avait dessinée aux environs de Erzerum. », écrit Lasteyrie. Erzerum étant en Turquie où Michaux n’est pas allé, il s’agit très probablement d’une confusion de Lasteyrie avec Kazerun, ville traversée par notre botaniste, à mi-chemin entre le port de Bouchehr, sur le golfe Persique, et Chiraz. 
« La charrue persane diffère des charrues indiennes et arabes, en ce qu’elle présente un manche composé de deux montants comme celle d’Égypte, tandis que dans les deux autres, le second montant a peu de longueur, et il est seulement destiné à tenir la flèche au sep. Cette charrue est composée d’un  sep long de 50 cm (18 pouces) et large de 13 (5 pouces). Il est un peu bombé dans la partie supérieure. Le soc a 22 cm (8 pouces) dans sa longueur totale.(....). Elle prend une inclinaison plus ou moins grande, au moyen de quatre chevilles qui la maintiennent sur les montants. On lui donne cette inclinaison en garnissant l’espace compris entre elle et les chevilles d’un ou plusieurs tours de corde.  (...) Cet instrument, destiné aux terrains légers, est tiré par un bœuf, un cheval ou un âne. L’animal, ainsi que le conducteur marchent sur la partie du sol qui n’est pas labouré. Ce dernier, placé sur le côté des montants, appuie la main droite sur la traverse, et tient les guides de la main gauche ; celles-ci sont attachées à un trou pratiqué au haut du montant antérieur. »

En raison de sa complexité technique, je n'ai reproduit qu'une partie de la description qui montre bien tout l'intérêt qu'a porté Michaux à une charrue simple, mais probablement déjà plus élaborée que celle observée en Syrie. Cet intérêt se situe à une période, la fin du XVIIIe siècle, qui voit se développer les recherches sur les charrues, recherches qui vont se multiplier au XIXe. Quelques décennies après André Michaux, son neveu par alliance Vincent Charlemagne Pluchet (qui a épousé Geneviève Michaux, la fille de son frère) sera à l'origine d'une charrue réputée et utilisée dans les campagnes d'Île de France jusqu'au début des années 1950. (Photo à venir....).

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